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Traitement des déchets radioactifs issus des laboratoires de recherche : leçons de l’histoire et enjeux contemporains de radioprotection

  • Photo du rédacteur: milarepa Delasag
    milarepa Delasag
  • 3 sept.
  • 3 min de lecture
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Introduction

Les laboratoires de recherche utilisant des substances radioactives – comme ceux des universités (ex. : Sorbonne Université), des instituts scientifiques ou des centres hospitalo-universitaires – génèrent des déchets radioactifs spécifiques. Ces déchets, bien que produits en quantités relativement faibles comparés à ceux du secteur nucléaire industriel, posent des problèmes complexes de radioprotection, de traçabilité et de stockage, en particulier lorsqu’ils sont issus de longues périodes d’activité ou d’installations historiques.

L’exemple emblématique en France est celui du laboratoire de Marie Curie, rue Pierre-et-Marie-Curie à Paris, aujourd’hui fermé mais longtemps resté contaminé, illustrant les risques d’une gestion inadaptée ou insuffisante des déchets radioactifs.

1. Origine et nature des déchets radioactifs en laboratoire de recherche

Les déchets issus de la recherche peuvent provenir :

  • D’expériences de physique, chimie, biologie ou médecine nucléaire

  • D’installations historiques (anciens laboratoires, collections universitaires)

  • De sources utilisées pour l’étalonnage ou la calibration d’équipements

  • De manipulations ou de traitements de substances radioactives (marquages, irradiations)

🔹 Types de sources radioactives

On distingue deux grandes catégories :

  1. Sources scellées :Ce sont des sources radioactives enfermées dans un matériau étanche (capsules métalliques, gaines). Elles sont utilisées pour :

    • L’étalonnage d’appareils

    • Les générateurs de rayonnements

    • Les expérimentations en physique nucléaire

    ⚠️ Elles ne présentent pas de risque de dissémination, mais doivent être inventoriées, suivies et éliminées via des filières spécifiques agréées.

  2. Sources non scellées :Il s’agit de substances radioactives en solution, poudre ou gaz, utilisées notamment en biologie, médecine nucléaire, ou en radiomarquage. Elles peuvent contaminer les surfaces, les équipements et les opérateurs.

    ⚠️ Elles génèrent des déchets dits contaminés : gants, pipettes, verrerie, effluents, etc., et nécessitent des protocoles de manipulation stricts.

2. Le cas historique du laboratoire de Marie Curie : un exemple de contamination durable

Le laboratoire de Marie Curie, actif au début du XXe siècle, a été le théâtre de nombreuses manipulations de radium-226 et autres substances sans les connaissances ni les protections adéquates à l’époque.

➡️ Résultat : une contamination durable des lieux, découverte bien plus tard lors de campagnes de mesure. Les murs, planchers, paillasses et équipements anciens présentaient une radioactivité résiduelle significative, nécessitant une décontamination lourde et un démantèlement contrôlé.

Ce cas illustre l'importance de :

  • Tracer l’utilisation des sources

  • Documenter les pratiques passées

  • Anticiper la gestion des bâtiments historiques abritant potentiellement des radionucléides

3. Enjeux de radioprotection

Les risques liés aux déchets radioactifs en laboratoire concernent :

  • L’exposition externe aux rayonnements gamma ou bêta émis par les sources

  • La contamination interne par inhalation, ingestion ou contact cutané (notamment pour les sources non scellées)

  • La dissémination dans l’environnement (par l’eau, l’air, les surfaces)

La réglementation impose aujourd’hui :

  • Un inventaire précis des sources

  • Une déclaration auprès de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire)

  • Le zonage radiologique des laboratoires

  • Des protocoles de collecte, conditionnement et stockage temporaire des déchets

  • Une formation obligatoire des personnels manipulant des radionucléides

4. Moyens de traitement et de gestion des déchets radioactifs en laboratoire

a. Tri à la source

  • Séparation des déchets radioactifs des déchets classiques

  • Distinction entre déchets à vie courte et à vie longue

  • Identification par radionucléide, activité, forme physico-chimique

b. Conditionnement

  • Contenants adaptés (fûts plombés, sacs en polyéthylène, boîtes en plexiglas)

  • Étiquetage rigoureux avec mention du radionucléide, date, activité

c. Stockage temporaire

  • En local de déchets réglementairement dimensionné, avec ventilation, blindage, et contrôle d’accès

  • Pour les radionucléides à vie courte : attente de décroissance (ex : 10 périodes physiques)

d. Évacuation via filières agréées

  • Transport par entreprises habilitées (ADR, agrément ASN)

  • Envoi vers les centres de traitement gérés par l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs)

e. Décontamination et démantèlement

  • Utilisation de gels, solvants ou abrasifs pour retirer la contamination surfacique

  • Radiamétrie systématique post-intervention

  • Démantèlement progressif des installations en fin de vie, avec plan de gestion validé par l’ASN

5. Perspectives et responsabilités

Les laboratoires universitaires et de recherche doivent intégrer la radioprotection dans leur culture de sécurité, même pour de faibles activités.

🔎 Les responsabilités sont partagées entre :

  • L’exploitant (souvent l’université ou le CNRS)

  • Le Chargé de Radioprotection (CRP) ou la Personne Compétente en Radioprotection (PCR)

  • Les autorités de contrôle (ASN, DREETS)

  • Les prestataires agréés (comme les transporteurs, centres de traitement)

Une traçabilité rigoureuse des sources dès leur acquisition, une anticipation des fins de vie, et des procédures normalisées de collecte et de traitement sont les garants d’une gestion sûre et durable des déchets radioactifs.

Conclusion

L’histoire du laboratoire de Marie Curie, comme les pratiques actuelles à la Sorbonne ou dans d’autres établissements de recherche, montrent combien la gestion des déchets radioactifs en milieu universitaire ou scientifique est une question à la fois historique, sanitaire et réglementaire.

Il ne s'agit pas seulement d'un enjeu de conformité, mais d’un impératif de protection des générations futures, de transparence scientifique, et de préservation de l’environnement dans un secteur souvent perçu comme faiblement irradiant, mais aux conséquences durables s’il est négligé.

 
 
 

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