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Radioprotection en recherche préclinique : pratiques et exigences dans les laboratoires utilisant des sources radioactives scellées et non scellées

  • Photo du rédacteur: milarepa Delasag
    milarepa Delasag
  • 31 août
  • 4 min de lecture
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La recherche préclinique en imagerie moléculaire et en thérapie ciblée implique fréquemment l’utilisation de radionucléides, qu’ils soient intégrés à des protocoles diagnostiques (imagerie) ou thérapeutiques (radiothérapie interne vectorisée). Ce cadre implique des exigences strictes en matière de radioprotection, tant sur le plan réglementaire que pratique, afin d’assurer la sécurité des personnels, des animaux, du public et de l’environnement.

Dans cet article, nous détaillons les procédures et dispositifs de radioprotection mis en œuvre dans un laboratoire de recherche équipé pour manipuler des sources scellées et non scellées, en prenant comme exemple un environnement de type plateforme d’imagerie préclinique telle qu’IMAVITA.


1. Typologie des sources utilisées


Sources non scellées

Utilisées pour l’imagerie fonctionnelle et métabolique ou la radiothérapie interne vectorisée. Parmi les isotopes couramment manipulés :

  • Fluor-18 (¹⁸F) : TEP, demi-vie courte (109 minutes), émetteur β⁺

  • Technétium-99m (⁹⁹ᵐTc) : SPECT, demi-vie de 6h, émetteur gamma

  • Iode-131 (¹³¹I) : thérapie, demi-vie de 8 jours, émetteur β⁻ et gamma

  • Actinium-225 (²²⁵Ac), Lutécium-177 (¹⁷⁷Lu) : thérapie ciblée alpha/bêta

Sources scellées

Utilisées pour le calibrage des systèmes ou dans certains tests de contrôle qualité, elles ne sont pas censées présenter de risque de dispersion :

  • Point sources (⁶⁰Co, ¹³⁷Cs, ⁵⁷Co, etc.)

  • Sources pour le contrôle des caméras (par exemple dans les SPECT/CT)


2. Dispositifs d’imagerie impliqués


a) Tomographie par émission de positons (TEP/CT préclinique)

Utilisée avec des traceurs comme le ¹⁸F-FDG, cette technique permet une visualisation fine des processus métaboliques.Équipements typiques :

  • TEP Albira, Inveon, SuperArgus

  • Résolution submillimétrique

  • Calibration quotidienne à l’aide de sources scellées

  • Correction de l’atténuation via scanner CT intégré


b) Tomographie d’émission monophotonique (SPECT/CT)

Permet d’utiliser des traceurs à plus longue demi-vie, comme le ⁹⁹ᵐTc ou l’¹³¹I.Systèmes courants :

  • NanoSPECT/CT

  • Multiples collimateurs interchangeables

  • Détecteurs CZT pour sensibilité accrue


c) Tomodensitométrie seule (CT)

Employée pour la visualisation anatomique de haute résolution, avec ou sans injection de produit de contraste iodé.


d) TMD (Tomographie par microdensité)

Système de haute précision pour la quantification de densité osseuse et de distribution de traceurs, souvent utilisé en complément.


3. Moyens de lecture et de quantification

Les systèmes de lecture associés varient selon les modalités :


- Dosimétrie ex vivo / biodistribution

Utilisation de compteurs gamma (puits de scintillation NaI), ou d’analyseur d’échantillons pour mesurer l’activité dans les organes après euthanasie.


- Analyse d’imagerie dynamique in vivo

Logiciels spécialisés comme PMOD, Inveon Research Workplace, Amide, permettant :

  • Segmentation automatique ou semi-automatique des volumes d’intérêt (VOI)

  • Analyse pharmacocinétique (modélisation à compartiments)

  • Calcul de SUV (standardized uptake value)

  • Reconstruction tomographique avec corrections (scatter, attenuation, dead time)


4. Gestion des sources et traçabilité


a) Réception et stockage

  • Stockage sécurisé en zone contrôlée, armoires plombées ventilées

  • Identification par étiquetage normalisé (nom, activité, radionucléide, date)


b) Traçabilité

  • Registre de suivi (papier et numérique), conforme aux exigences de l’ASN

  • Logiciels de gestion des stocks radioactifs (ex : Isotrac, Radionext)


c) Déchets radioactifs

  • Tri selon le type de rayonnement et demi-vie

  • Stockage tampon en décroissance pour les isotopes à courte demi-vie

  • Collecte spécialisée via un prestataire agréé (ANDRA ou équivalent)


5. Moyens de protection et mesures physiques


a) Protection collective

  • Hottes ventilées blindées pour manipulation de sources non scellées

  • Équipements de confinement secondaire (gaines, boîtes à gants)

  • Circuits de ventilation filtrée avec contrôles réguliers (DPG, HEPA, charbon actif)


b) Protection individuelle

  • Port obligatoire de dosimètres passifs (films ou TLD) + dosimètres opérationnels en zone contrôlée

  • Équipements de protection individuelle (gants double épaisseur, surblouses, lunettes)

  • Port de surchaussures en zone contaminée


c) Contrôle de contamination

  • Surveillance systématique avec frottis (tests de contamination surfacique)

  • Détecteurs portables à scintillation ou GM

  • Mesure de l’ambiance gamma en continu avec sondes fixes (type Babyline, RadEye)


6. Procédures opérationnelles standardisées (SOP)


Chaque étape du travail avec des sources radioactives fait l’objet de procédures écrites validées par le Conseiller en Radioprotection (CRP) :

  • Livraison et vérification des activités

  • Préparation des seringues et injections

  • Surveillance post-injection (durée de séjour en zone contrôlée)

  • Protocole d’euthanasie et gestion post-expérimentation

  • Décontamination des surfaces et matériel

Un Plan de Gestion des Risques Radiologiques (PGRR) est également mis à jour régulièrement.


7. Formation et culture de radioprotection


  • Formation initiale et continue obligatoire pour tout personnel exposé, conforme à l’Article R4451-59 du Code du Travail

  • Exercices pratiques réguliers : simulation de fuite, décontamination d’urgence, évacuation

  • Sensibilisation à la dose reçue par les animaux, et ajustement des protocoles en accord avec le 3R (Replacement, Reduction, Refinement)


8. Exemple de circuit expérimental type (¹⁸F-FDG)


  1. Réception du radiotraceur (livraison depuis un cyclotron local)

  2. Vérification de l’activité et entrée dans le registre

  3. Préparation en hotte blindée, seringues plombées

  4. Injection aux animaux en cage de contention dans une zone dédiée

  5. Imagerie TEP/CT dynamique durant 60 à 90 minutes

  6. Analyse d’image, génération de cinétiques, export de VOI

  7. Euthanasie et biodistribution complémentaire si nécessaire

  8. Décontamination, évacuation des déchets, mise à jour des registres


Conclusion


La radioprotection en recherche préclinique repose sur un équilibre entre performance scientifique et sécurité rigoureuse. Chaque étape, de la manipulation à l’analyse, est encadrée par des protocoles stricts pour prévenir l’exposition inutile, maîtriser les risques et garantir la conformité réglementaire. L’intégration de ces pratiques dans la culture de laboratoire est indispensable à une recherche responsable et pérenne.

 
 
 

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