Le risque radiologique dans les mines d'uranium
- milarepa Delasag
- 30 mars
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Les mineurs d'uranium reçoivent l'essentiel de leur exposition aux rayonnements au cours des opérations de routine liées à l'extraction du minerai, les opérations de maintenance normalement effectuées dans des zones stériles étant relativement moins irradiantes. Dans le cycle du combustible nucléaire, cette première étape constituée par l'exploitation du minerai d'uranium est celle où la dose individuelle moyenne est la plus élevée : en effet, il n'en est guère ainsi dans les autres étapes du cycle que pour les personnels chargés de la maintenance, de la décontamina tion et des tâches de démantèlement. La particularité qu'ils ne partagent avec aucune autre catégorie de travailleurs est que leur exposition, d'origine naturelle, se compose en routine non seulement d'une exposi tion externe mais aussi d'une exposition interne d'importance semblable. Dans une mine d'uranium, les mineurs se trouvent exposés aux rayon nements issus de l'ensemble des six radionucléides émetteurs alpha et des huit radionucléides émetteurs bêta de la chaîne de l'uranium 238. Les radionucléides présents dans le minerai, en place ou abattu, sont d'abord une source de rayonnements gamma, 83 % du rayonnement en énergie venant du bismuth 214, 12 % du plomb 214, tous deux descen dants à vie courte du radon 222. Typiquement, au centre d'une galerie tracée dans du minerai à une teneur en uranium de 0,1 %, le débit de dose est de l'ordre de 5 //Gy.h-1 et le risque de dépassement de la limite annuelle de 50 mSv pour l'organisme entier existe dès que la teneur du minerai dépasse 0,5 %. Il n'est pas rare actuellement de mesurer dans des chantiers en cours d'exploitation des débits de dose ambiants compris entre 50 et 200 /vGy.h-1. Un second type de risque radiologique encouru par les mineurs est caractérisé par une contamination interne provenant de l'inhalation des émetteurs alpha en suspension dans l'atmosphère : — le radon 222 et ses produits de filiation, émetteurs alpha à vie courte ; — les poussières de minerai, émetteurs alpha à vie longue. Parmi les descendants de l'uranium 238 se trouve le radon 222, gaz rare susceptible de migrer dans les roches et de polluer l'atmosphère. L'inhalation du radon 222 lui-même, bien qu'il engendre des descendants radioactifs à vie courte dans les poumons ainsi que dans les autres tissus de l'organisme après une faible dissolution dans le sang, n'entraîne, en générai, qu'un risque négligeable devant celui qui découle de l'inhalation de ces mêmes descendants formés dans l'air. Les polonium 218, plomb 214, bismuth 214, soit à l'état d'ions libres, soit fixés sur les aérosols miniers, se déposent, en effet, dans les poumons et y laissent une large part de leur énergie potentielle de désintégration. L'exposition des mineurs à des concentrations élevées de radon 222 et de ses descen dants a été correlée avec l'induction de cancers du poumon dans plu sieurs groupes de mineurs (mine de la région de Schneeberg en Allema gne ou de Joachimstal en Tchécoslovaquie) et ces constatations ont été renforcées par la reproduction expérimentale de cancers bronchopulmo naires chez des rats exposés uniquement à des inhalations de radon 222 et de ses descendants. Le second risque de contamination interne est provoqué par la forma tion de poussières fines de minerai, chargées d'éléments de la chaîne de l'uranium, émetteurs alpha à vie longue : ^U, 2 3 4U, 230Th, 226Ra, 210Po. Les atomes inhalés sont susceptibles de se déposer dans les poumons, mais la plus grande partie est éliminée biologiquement avant d'avoir pu se désintégrer et délivrer leur énergie. Cependant, le risque de contamina tion peut devenir critique vis-à-vis des limites annuelles dans des chantiers fortement empoussiérés et où la teneur du minerai dépasse 0,5 %. Ce risque a toujours été pris en compte en France, avec juste raison, car il n'est pas toujours négligeable et peut même devenir pré pondérant dans certains cas comme dans les mines à ciel ouvert dans les régions à climat sec. Le risque "poussières" est prépondérant également dans les usines de traitement du minerai. Dans ces installations, on retrouve les deux types de risques d'irradiation interne et externe décrits pour les mines, avec quelques différences selon la phase du traitement dans laquelle tra vaille le personnel : dans la zone de préparation mécanique du minerai, les risques sont semblables à ceux rencontrés lors des opérations d'ex traction. Dans les zones d'attaque chimique du minerai, les risques d'irra diation interne sont très faibles ; ils réapparaissent dans la zone de fini tion du produit avec, essentiellement, les problèmes liés aux poussières d'uranate. Contrairement aux mines où les risques radiologiques sont inhérents aux opérations d'extraction elles-mêmes, dans les usines de traitement du minerai, il se rapportent principalement aux opérations d'entretien et de maintenance du matériel de production. Ainsi, l'expé rience a montré que le risque d'exposition du personnel des usines à des doses élevées en des temps courts était réel si des dispositions particu lières n'étaient pas prises avant les interventions, lors de l'entretien de cuves d'attaque ou des colonnes de résines notamment. Le risque d'exposition à des doses relativement élevées durant des périodes limitées dans le temps peut également être présent dans les mines souterraines : il suffit que la ventilation ne soit plus assurée dans un chantier pour que, en quelques heures, on atteigne des concentra tions en énergie alpha potentielle due aux descendants à vie courte du radon 222 de l'ordre de 100 à 1 000 µJ/n3, soit environ 10 à 100 fois la valeur guide opérationnelle dans l'air.
LA RÉGLEMENTATION
Les objectifs de la radioprotection en France ont toujours été l'amé lioration constante de la qualité de la surveillance des risques individuels et collectifs et de l'efficacité de leur prévention. Cette amélioration a été le fruit d'une collaboration étroite entre les responsables des techniques de protection dans les activités minières, les experts français des grandes institutions internationales compétentes comme la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) ou l'Euratom et les rédacteurs des textes réglementaires qui conseillent les pouvoirs publics. II en a été ainsi dès les années 1955-1956 pour l'instauration d'un suivi dosimétrique individuel de chaque mineur prenant en compte le cumul des trois risques radiologiques auxquels ils sont exposés : l'exposi tion externe et les expositions internes dues au radon 222 et aux pous sières de minerai. Une première réglementation voit le jour en 1958. Elle est en partie reprise et complétée en 1965 sous la forme d'un arrêté préfectoral type réglementant les travaux d'exploitation et de recherches de substances radioactives dans les départements concernés (circulaire ministérielle DM/H n° 119 du 4 mars 1965). Au Journal Officiel du 20 juillet 1989 a été publié, sous la signature du Premier ministre et du ministre de l'industrie et de l'aménagement du ter ritoire, un décret (n° 89-502 du 13 juillet 1989) qui introduit, dans le Règlement général des industries extractives (RGIE), un titre intitulé "Rayonnements ionisants" dont la première partie, relative à la protec tion du personnel, fait l'objet d'une annexe au décret. Dans le même numéro du Journal Officiel, une circulaire du ministre de l'industrie aux préfets présente le décret et en commente, en annexe, les différentes prescriptions. Le champ d'application de ce décret porte non seulement sur la recherche et l'exploitation de substances radioactives mais égale ment sur la surveillance de l'atmosphère des travaux souterrains des autres substances. Pour les usines de traitement non soumises au RGIE s'applique, depuis octobre 1987, le décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ioni sants. Dans les deux textes applicables aux mines et aux usines, on retrouve un grand nombre de similitudes, en particulier en ce qui concerne les principes généraux de protection avec l'introduction, pour le risque col lectif, du principe d'optimisation développé par la CIPR et les limites du cumul des équivalents de dose individuels. Indépendamment de la mise à jour des limites annuelles et trimes trielles concernant les différentes modalités d'exposition aux rayonne ments ionisants, l'une des caractéristiques techniques essentielles de la nouvelle réglementation est que la surveillance dosimétrique du per sonnel d'une part, et la surveillance des ambiances radioactives des postes de travail d'autre part, sont traitées selon des procédures et des matériels spécifiques. Dans les paragraphes suivants seront présentés ces procédures et matériels qui, bien que nouvellement imposés par la réglementation, sont en place dans les mines et les usines françaises depuis 1983. En effet, depuis plusieurs années, la politique en matière de radioprotection suivie par les industriels français et les autorités de tutelle a pris en compte les principes de la CIPR afin d'éviter une discon tinuité, dans la pratique et dans les résultats, de la surveillance radiolo gique des exploitations, liée à l'application de la nouvelle réglementation plus sévère que la précédente. Ainsi, il apparaît, dès la fin de 1986, grâce aux efforts entrepris, que les nouvelles limites individuelles peuvent être respectées par la quasi-totalité des travailleurs, ce qui n'aurait pas été le cas en 1983.
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